Les mots qu’on ne me dit pas
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Mes parents sont sourds. Sourds et muets, depuis toujours. Ils ont grandi à Paris, parce que leurs parents à eux ont compris qu’il n’y avait qu’à Paris qu’on pouvait élever des enfants sourds.
Mon oncle Guy aussi.
Moi, j’entends, ma cousine aussi.
Eux ont grandi dans le silence, sans bruit. Avec un langage à eux, un langage du corps, cru, synthétique, plein d’émotions mais sans nuances.
Ils m’ont toujours donné tout l’amour qu’ils avaient en eux. Mais sans mots, avec des autres choses, pas toujours claires pour une enfant.
Et il y avait deux mondes. Celui des entendants, à l’école, chez mes grands-parents, dans la rue, et celui de la maison. Sans mots, mais avec du bruit, tellement de bruits. Bruits de pas ou de meubles, énervants, bruits de bouche ou de viscères, agaçants ou répugnants dans le monde des entendants.
J’ai grandi, un peu écartelée entre ces mondes, sous le regards des autres, qui ne comprenaient pas ou ne voulaient pas voir.
Et puis il y a eu le début de l’officialisation du langage des signes. L’engagement de mon oncle et de mes parents pour en faire une langue universelle pour les sourds du monde entier. Guy, mon oncle, qui était devenu homme de spectacle.
Je les aime toujours, c’est un mot que je ne sais pas dire, mais en plus, maintenant, je suis fière d’eux.
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