Le titre, bien évidemment, place le problème central en évidence : ces femmes et ces hommes (et plus généralement toute l’humanité) ont perdu non pas une direction, mais l’orient. Avec ce qu’il avait d’unique, pays de miel ou l’on vivait ensemble au même endroit, dans le respect de la citoyenneté de chacune, celle de sa religion.
La création d’Israel, les nouvelles formes de pouvoir, les exodes des divers communautés, et la montée d’un intégrisme religieux unique, par essence opposé à toutes les autres formes de croyances ou d’incroyance, ont fait voler en éclat l’équilibre millénaire de la douceur de vivre ensemble sur les rives du Jourdain et du Litani.
Et tout cela, le locuteur le redécouvre à la mort de son ami, qui l’avait appelé pour partir en paix, après 30 ans de brouille.
Je ne connais pas le Liban, mais tous les gens qui en parlent ont effectivement des propos similaires. Un lieu magique, disparu sous les assauts de la modernité et les bombes des pays voisins.
Ce livre l’illustre d’une façon fort sympathique.
D’abord au premier degré, par l’histoire qu’il raconter. L’histoire d’une brouille d’honneur entre deux amis très proches, qui se retrouvent à la mort de celui qui est resté au Pays. L’histoire de la redécouverte de son enfance, de son adolescence, des femmes qu’on a aimées et pas forcément touchées pendant les années de jeunesse. L’histoire d’un groupe d’amis qui se recompose, par delà toutes ses divergences, à la mort de l’un d’entre eux. Et surtout, l’histoire d’un groupe d’amis qui a explosé dans les années 70, pour simplement vivre du mieux possible des évènements qui les ont dépassés.
Mais aussi, un peu comme "Cent ans de solitude", avec un deuxième degré dans lequel chaque personnage représente, par delà lui-même, une partie de l’âme du Liban. Mourad, qui s’est compromis et qui en meurt, Adam, parti vivre sa soif d’absolu au pays des lumières (pour ce qu’il en reste...), et les autres, chacun devenu dans son domaine une référence, prouvant par là que venir du Liban donne une lumière à laquelle rien ne peur résister.
Mais pour ces deux niveaux de lecture, la fin est triste. Le pays est en ruine, les routes mal entretenues, et Adam, parti cherche son ami Ramez, comme lui catholique mais qui, après une brillante carrière d’architecte s’était retiré dans un monastère, meurt (ou presque) dans un accident de voiture. Le Liban n’existera plus, et cela motive le titre.
Alors, que faire de cet opus ? C’est un peu long, le style est parfois un peu limite, comme si l’émotion emportait l’écrivain, et la fin est abrupte, mais comme description de la disparition d’un monde merveilleux, c’est un conte qu’il faut lire, et qui aide probablement plus à comprendre les affres de l’histoire récente de cette région du monde que bien des livres d’histoire.
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