Allons bon. Voici que Mme Nothomb nous fait une Nième version d’oedipe, utilisant de plus des personnages quasi opposés aux nobles esprits qui ont donné leurs entrailles au mythe : des magiciens et une danseuse. A première vue, la lecture est décevante.
On est loin, ici, des joies du vocabulaire et de la formule des Nothombs de bonne facture. Pas de mots qu’il faut aller chercher dans le dictionnaire, ni de formule ciselée mêlant forme grammaticale désuète mais tellement belle avec une pertinence qui laissait admiratif. Dommage, déception, soupirs.
Mais pourquoi donc des illusionnistes ?
Et enfin, une lumière, néanmoins. Car Mme Nothomb complique un tantinet l’histoire. Ce n’est pas un père, que Joe affronte, mais une ribambelle. Le premier, d’abord, parti avant sa naissance. Peut être même pas tout à fait identifié. Et dont l’absence, en creux, forme comme un manque. Comment tuer le père, passer à l’âge adulte, si celui-ci n’existe pas ?
Puis les seconds, les père amants de la mère, ceux de passage, puis celui suffisamment futé pour s’approprier le peu de richesse de la mère, en faisant fuir l’enfant. Là encore, comment tuer un père qui ne se reconnait pas comme tel, et qui n’a de cesse de se comporter comme un rival, pour tuer le fils.
Enfin, le père formateur, celui qui transmet le savoir. Celui, aussi, dont la femme est la Femme. Ce qui d’ailleurs pose question : qu’est qui fait le père, lui-même, ou la mère ?
Et enfin, le père qui subjugue, celui dont l’apparition tient lieu de miracle et qui lance finalement Joe dans la vie qu’il se fait.
En contrepoint, l’opus nous présente aussi les mères. La mère biologique, porteuse mais sans attraits car sans père. La mère Femme, celle dont, jeune, on rêve en se masturbant, et pour qui on préserve sa pureté. Et les autres femmes, celles que l’on peut baiser à volonté, car on en a les moyens, le désir, mais pas forcément l’envie.
D’un thème facile et usuel, Mme Nothomb fait en quelque page un kaléidoscope de rapports qui font que les petits humains deviennent grands.
Si j’avais le temps, je ferais une recherche sur le thème du père dans les livres de A. Nothomb. J’avais déjà trouvé excellent le passage dans lequel son père disparait dans une bouche d’égout alors qu’il la tenait par la main. Ici, A. Nothomb complète cette question de la disparition du père et complexifie l’objet "père" qui devient comme le jeu de cartes que les magiciens font apparaitre ou disparaitre à volonté. On croyait avoir un roi de coeur, on se retrouve avec un 2 de pique, la vie est dure.
De la belle ouvrage. Dommage qu’il y manque quelques mots rigolos.
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